Memorandum

Pour une reconnaissance des bienfaits des Soins Verts en Belgique

En 2022, un citoyen belge sur quatre souffrait de troubles anxieux ou dépressifs. En 2018, c’était une personne sur dix. [1]

Cette spirale négative – notamment due aux crises successives du Covid, de l’énergie et de l’inflation – s’est accélérée et a bien entendu un impact significatif sur les finances publiques. Ce coût est estimé à 5% du PIB annuel de la Belgique [2].

Ces troubles de santé mentale légers qui s’accroissent touchent aussi la population active. A cet égard, les situations de burn-out et de dépression au travail ont particulièrement augmenté. Ainsi, en 2021, 118.000 personnes étaient en incapacité de travail de longue durée pour de telles raisons. Il s’agit donc d’un véritable problème de santé publique qui représente un coût significatif pour la société (1,6 milliard € par an pour l’Etat fédéral). Face à ce problème grandissant, il faut agir et innover.

Un collectif d’intervenants de terrains, d’experts de la santé et de fondations privées et d’utilité publique propose d’introduire dans le cadre législatif belge la possibilité d’accompagner des personnes en situation d’invalidité souffrant de troubles de santé mentale légers à modérés par le biais d’une prescription de soins verts consistant en une activité en lien avec l’agriculture ou la gestion des forêts.

En adoptant un dispositif “soins verts”, la Belgique pourrait ainsi se doter d’un outil innovant en termes de santé publique. Ce dispositif permettrait de préparer cette partie de la population active en souffrance à réintégrer un parcours professionnel et, par voie de conséquence, à alléger le budget de la sécurité sociale en réalisant des économies budgétaires significatives.

Un problème de santé publique alarmant

En 2022, les problèmes liés à la santé mentale ont coûté 5% du PIB belge.[1] La problématique des incapacités de travail de longue durée (c’est-à-dire de plus d’un an) liées à une dépression ou un burn-out a coûté à elle seule plus d’1,6 milliard d’euros à l’INAMI, soit une augmentation de plus de 10% en un an et de plus de 47% depuis 2016.[2]

Selon les derniers chiffres de l’INAMI, près de 500.000 personnes sont en incapacité de travail longue durée[3], dont près d’un quart, soit 118.000 personnes, souffre de burn-out et/ou dépression. D’ici à 2035, ce chiffre devrait augmenter de 20% pour atteindre 600.000 personnes en incapacité de travail de longue durée, à politique inchangée.[4]

C’est donc un véritable problème de santé publique, qui s’amplifie chaque année et qui touche tous les publics[5].

Les Soins Verts, une solution innovante pour les patients en situation de burn-out et/ou dépression

Le collectif réuni par la Fondation Terre de Vie propose d’évaluer l’opportunité d’introduire dans le cadre législatif un dispositif d’accompagnement des personnes souffrant de burn-out et/ou dépression par le biais d’une prescription de soins verts consistant en une activité en lien avec l’agriculture ou la gestion de la forêt (sylviculture). Cet accompagnement pourrait notamment être utilisé comme une étape préalable et intermédiaire dans le cadre d’un trajet de réintégration sur le marché de l’emploi.

La prescription de soins verts[1] se définirait comme un acte posé par un médecin qui permette à des patients en incapacité pour cause de burn-out et/ou dépression d’entamer un processus de rétablissement à travers des activités au contact de la nature, proposées au sein d’une entreprise agricole ou sylvicole.

En ciblant la prescription ‘soins verts’ sur cette catégorie de personnes en incapacité de travail, le collectif souhaite offrir une solution efficace afin d’éviter que les patients en incapacité de courte durée ne tombent dans un état d’incapacité de longue durée, ce qui engendre un coût supérieur à long terme.

Certaines pratiques inspirées de soins verts sont déjà utilisées dans différents cadres en Belgique. Il s’agit notamment des activités liées à l’agriculture sociale en Wallonie et à l’action de Steunpunt Groene Zorg en Flandre, dont certaines s’intègrent d’ailleurs dans la dynamique de déploiement des réseaux 107 promus au niveau fédéral. En forêt, il existe des initiatives ponctuelles qui mériteraient d’être développées pour accentuer leurs effets bénéfiques sur la santé humaine.

D’autres inspirations nous viennent de l’étranger. Les Pays-Bas sont des pionniers en matière de soins verts et d’accueil dans des fermes. Aujourd’hui, plus de 1.300 fermes accueillent annuellement plus de 30.000 personnes qui ont besoin de soins, notamment dans le cadre de troubles de santé mentale légers à modérés. Au Royaume-Uni, ce sont plus de 400 fermes qui accueillent notamment les personnes souffrant de troubles de santé mentale légers à modérés. Dans les deux cas, le financement est en partie pris en charge par les pouvoirs publics.

Le caractère innovant de cette proposition consiste à appliquer les bienfaits des soins verts à des patients en situation d’incapacité de travail pour cause de burn-out et/ou dépression en Belgique.

Le dispositif expérimental, un test grandeur nature

Afin d’encadrer le développement des soins verts, le collectif mené par la Fondation Terre de Vie a mis en place un Dispositif expérimental (DE).[1] L’objectif consiste à se baser sur 6 à 8 structures existantes de l’agriculture sociale afin d’étudier l’impact des soins verts sur des personnes en incapacité de travail qui souffrent de burn-out et/ou dépression. La Fondation Terre de Vie collabore avec la KUL afin d’étudier et de quantifier le potentiel des soins verts dans ce cadre. Son travail s’effectuera en deux phases, étalées sur une période de 3 ans (2023-2025).

Le parcours type d’un protocole soins verts pour un patient en incapacité de travail serait le suivant:

  • Un médecin propose l’envoi du patient dans une structure de soins verts pendant une durée déterminée, en assurant le suivi.
  • Les 6 à 8 structures identifiées dispatchent les personnes concernées chez les agriculteurs ou gestionnaires de forêt partenaires.
  • Un accueil organisé pour le patient au sein d’une structure agricole ou sylvicole, qui peut se traduire de différentes façons : aide dans le potager, soins aux animaux, entretien des jeunes forêts régénérées, participation aux ensilages, vêlages, participation à la traite, aménagements en faveur de la biodiversité, nettoyage des locaux d’accueil, cuisine, découverte et entretien d’outils etc.

  • [1] Nos Oignons, Nos Oignons d’Entre Mots, Vaches et Bourrache, Antenne Agriculture Sociale de la Province de Luxembourg, Alba se met au Ver, Steunpunt Groene Zorg

L’intégration des Soins Verts dans le trajet du retour au travail

Les soins verts devraient figurer parmi les dispositifs légaux intermédiaires permettant d’envisager un rétablissement du patient et dès lors, à terme, une remise à l’emploi. A cet égard, on pourrait notamment les intégrer dans le trajet de réintégration prévu dans le cadre de la loi assurances-maladie invalidité.[1]

Ce dernier vise la remise au travail des personnes en incapacité maladie de longue durée. Les soins verts pourraient aussi être utilisés comme une étape intermédiaire permettant d’éviter que des patients en incapacité de travail de courte durée ne tombent dans un état d’invalidité de longue durée, lequel génère un coût supérieur à long terme.

  • [1] Un trajet est mis en place par le coordinateur « Retour au Travail » de la mutualité, en concertation avec le médecin-conseil de l’INAMI et le travailleur en incapacité de travail, si une réintégration est possible. Si le travailleur est considéré comme capable de commencer un trajet de réintégration, un plan de réintégration multidisciplinaire sera mis en place en concertation avec le « Coordinateur Retour au Travail » de la mutuelle.

Qui sommes-nous ?

Nous sommes un collectif d’intervenants de terrains, d’experts de la santé et de fondations privées et d’utilité publique, réunis par la Fondation Terre de vie, qui soutiennent le développement et la promotion d’activités de soins en lien avec l’agriculture et la forêt afin de redonner aux personnes en situation de troubles de santé mentale légers à modérés les capacités d’agir sur leur vie et sur la société.

Notre collectif est composé et/ou soutenu par les institutions et personnes suivantes :

  • Fondation Terre de Vie
  • Fondation Roi Baudouin (FRB)
  • ASBL Nos Oignons
  • Steunpunt Groene Zorg
  • Vaches et bourrache (CPAS de Tubize)
  • Société Royale Forestière de Belgique (SRFB)
  • Vincent Dubois, MD, PhD; Directeur médical général, Epsylon ASBL, Bruxelles; Professeur de psychiatrie, Faculté de médecine, UCLouvain, Belgique
  • Marc Mormont, PhD; Professeur honoraire de sociologie, Département des sciences et gestion de l’environnement, ULiège, Belgique
  • Benoît Gillain, psychiatre, chef de service de psychiatrie à la clinique Saint Pierre d’Ottignies, vice-président du conseil fédéral des professions de soins de santé mentale, chargé de cours clinique UCLouvain
  • Hans Keune, Chaire Soins et Environnement naturel, Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université d’Anvers
  • Marius Gilbert, Docteur en sciences agronomiques et ingénieur biologiste, Vice-Recteur à la recherche et à la valorisation de l’ULB, Maître de recherches FNRS
  • Véronique Monnart, Agricultrice à la « Ferme du Buis » et co-référente « Accueil social à la ferme » pour le GAL Parc Naturel des Plaines de l’Escaut